Coffea Liberica – une autre espèce méconnue !
Après le café racemosa, espèce de café assez rare, voici le café liberica (Coffea Liberica), espèce de café dont les cultures se développent surtout en Asie dans la région de l’Indonésie et la Malaise. Le Dr. Steffen Schwarz de Coffee Consulate à Mannheim en Allemagne fait une promotion active de cette espèce spécifique. Il a même organisé un séminaire dédié au C. Liberica, l’année dernière à Borneo. Cet article est inspiré d’une publication du Dr. Steffen SChwarz paru dans Crema Magazin en avril 2019.
Un peu d’histoire
Parmi la centaine d’espèces du genre Coffea, il paraît incroyable que seulement 2 d’entre elles monopolisent 98% du marché mondial. La troisième espèce cultivée en volume, après C. arabica et C. canephora, est C. Liberica avec environ 1% de la production mondiale…
Découverte en 1872 en Sierra Leone, C. Liberica est décrit en 1874 avant C. Canephora (décrit en 1895). Son profil aromatique n’a pas été souvent décrit contrairement aux 2 autres espèces répandues. De l’Afrique (Liberia), ce café s’est répandu en Asie et Amérique Centrale et du Sud afin de tenter quelques expériences de cultures de café. C’est en Asie que ce café s’est implanté durablement, spécifiquement en Malaisie, Philippines et Indonésie.
Taxonomie
C. liberica Hiern inclus C. liberica var. liberica de l’Afrique de l’Ouest et C. liberica var. dewevrei de l’Afrique Centrale. C. dewevrei, C. dybowskii et C. excelsa étaient considérées des espèces séparées, mais en 2006, elles ont été reclassées comme synonymes pour C. liberica var. dewevrei. La taxonomie du genre Coffea n’est pas très simple, essayons quand même de comprendre un peu quelles sont les espèces originelles du genre Coffea. Les caféiers sont divisés en 2 sections: Mascaracoffea et Eucoffea, ce dernier contenant 5 sous-sections:
– Erythrocoffea (C. arabica et C. canephora Pierre, entre autres)
– Pachycoffea (C. liberica Hiern, entre autres)
– Nanacoffea
– Melanocoffea
– Mozambicoffea (C. racemosa Lour)
Description
Le caféier C. Liberica peut réellement être appelé arbre à café car il peut atteindre 15-20m de haut avec des feuilles de 35 cm de long. Il faut donc beaucoup d’espaces entre 2 arbres de cette espèce (5x5m) contre (2x2m) pour C. arabica et C. canephora. Le rendement lié à la culture de C. Liberica est donc faible. La cerise de café est énorme et son rendement est donc faible. Le ratio est de 1:10 (1kg de café vert pour 10kg de cerises entières) pour le C. Liberica. Pour rappel, ce ratio est de 1:4 pour l’arabica et 1:2.5 pour le canephora.
Sa cerise très charnue est très riche en pulpe et donc en sucres. Il semblerait que le C. Liberica ait la concentration en sucres la plus élevés de toutes les espèces de café, ce qui lui confère une douceur exceptionnelle, mais un risque de fermentation tout aussi exceptionnel ! Cette caractéristique attire beaucoup de parasites dont le célèbre « Broca » (Coffee Borer Disease). Cette particularité a permis à certains fermiers d’Amérique Latine et Centrale d’utiliser des caféiers Liberica afin d’attirer ces parasites. Il les ont appelés les « Broca Hotels ». S’il est très susceptible au « Broca », il est totalement immunisé contre Hemileia Vastatrix, la rouille du caféier.
C. Liberica et Kopi Luwak
Le profil aromatique particulier du Kopi Luwak serait plus en relation avec la fermentation des cerises de C. Liberica que des processus de digestion de l’animal. En effet, la cerise charnue et pulpeuse de C. Liberica serait beaucoup plus appétissante que les cerises des autres caféiers. Ceci est une hypothèse qui mériterait d’être investiguée plus profondément.
Arômes et saveurs
C. Liberica n’est pas comparable aux autres cafés en terme de saveur. Le café vert est très doux, sucré ce qui se retrouve dans la tasse après torréfaction. Selon le Dr. Schwarz, le profil de torréfaction doit être plutôt développé pour les méthodes douces, donc pour une torréfaction claire. Une torréfaction plus foncée, du type espresso pourrait décevoir les amateurs d’espresso.
Les arômes décrivent des notes fruitées (fraise, jackfruit, durian, mague, banane) et florales ainsi que des notes lactiques (mascarpone, crème fraîche, crème). Si la torréfaction est plus poussée, des arômes plus bizarres encore peuvent se développer (fromages persillés et cheddar). Bon appétit !
En résumé:
Cette espèce de café est très intéressante de par son histoire, sa botanique et ses propriétés agronomiques. C’est un café qui se torréfie plutôt « light » et se prépare plutôt en méthode douce. Ce café est clivant et il n’y a pas ou peu de consensus à son sujet: on aime ou on n’aime pas !
Néanmoins, après les notes de sauges du café racemosa, pourquoi ne pas essayer les notes lactiques du café liberica ?